La nuit étudiéeFil d'Ariane : Accueil >> La nuit étudiée Permalien : http://www.nuitfrance.fr/?page=nuit-etudiee > Inventorier la faune nocturne
Inventorier la biodiversité nocturne sur un territoire est difficile car : - l’activité de cette partie de la biodiversité, par définition, se déroule la nuit, c’est-à-dire la période du cycle circadien* pendant laquelle, nous, humains, ne disposons pas de sens très développés, - la biodiversité nocturne est par définition relativement discrète, dans la recherche permanente de compromis pour voir sans être vu (par exemple, le vol des rapaces nocturnes est totalement silencieux). Pour cette raison, les inventaires « directs », par détection visuelle spontanée, sont relativement rares pour certaines espèces. Des techniques existent pour augmenter vos sens de détection la nuit, telles que : - la classique lampe torche ou frontale (efficace mais par définition introduit une pollution lumineuse et donc risque de diminuer au final les chances de présence de la faune recherchée) - les lunettes à vision nocturne - les jumelles infrarouges - les caméras thermiques (=> Lien utile à ce sujet) - les amplificateurs de sons Malgré cela, dans de nombreux cas, il faudra passer par : - du piégeage (non létal autant que possible) - des inventaires indirects (par indices : plumes, empreintes, traces d'ADN, etc...) - des inventaires de jour, possibles pour certaines espèces. Il est déjà possible d’augmenter les chances de contacts en privilégiant les moments charnières (crépuscule* et aube*).
Invertébrés terrestres- Pour les invertébrés volants (hétérocères surtout) : par piégeage lumineux. Mais attention, cette technique utilisant la lumière artificielle pour attirer les insectes à inventorier, son utilisation dans le cadre d'un protocole souhaitant mesurer l'impact de la pollution lumineuse sur les invertébrés est par définition biaisée - Pour les invertébrés émettant de la lumière (Lucioles, Vers luisants, ...) : il est possible de procéder par comptage direct - Pour les invertébrés de types orthoptères, la recherche peut se faire de manière auditive (de préférence muni d'un détecteur ultrasons* pour augmenter le nombre d'espèces détectables) - Pour la faune du sol (coléoptères, araignées notamment) : par utilisation de pièges dits « pitfall » (fonds de bouteilles, pots de yaourt, ...) disposés au sol. Attention ce genre de piège doit être vérifié quotidiennement pour relâcher les individus piégés. Utilisation possible de pomme dans le piège pour accroitre le potentiel ![]() Piège de type pitfall pour l'inventaire de coléoptères saproxyliques. Photo R. Sordello Poissons et invertébrés aquatiques- Par pêche électrique (inventaires à la fois des Poissons et Crustacés telles que les Ecrevisses). Cette méthode nécessite de disposer d’un permis - Par prospection nocturnes pour les Ecrevisses notamment (recherche visuelle muni d'un phare en parcourant le cours d'eau) Amphibiens- Par des écoutes nocturnes (reconnaissance des chants) - Par recherche nocturne d’individus adultes ou de larves. L’avantage d’inventorier des larves est que celles-ci sont concentrées dans les points d’eau. Pour les adultes, la recherche doit cibler les points d’eau mais aussi par exemple les dessous de souches. Matériel nécessaire : torche/lampe frontale et épuisette. - Certains amphibiens sont aussi visibles de jour, on peut alors procéder par des prospections visant les points d’eau et les souches. - Par piégeage (nasse installée dans l’eau) pour certaines espèces - Par prélèvement d’ADN environnemental dans l’eau des marres. Voir la page sur les techniques de suivi ![]() Larve de Salamandre tâchetée détectée de nuit dans un point d'eau. Photo R. Sordello Reptiles- Par recherche visuelle de nuit mais surtout de jour - Par utilisation de plaques métalliques disposées au sol (qui vont alors attirer les reptiles cherchant à thermoréguler) puis vérification de jour Oiseaux nocturnes- Par recherche à vue (identification des oiseaux en vol ou posés) - Par écoutes nocturnes (reconnaissance des chants) : l’écoute peut-être passive ou active (utilisation de la repasse, mais attention cela doit se faire avec beaucoup de précaution pour ne pas déranger les oiseaux) - Par recherches d’indices de présence de jour comme de nuit : plumes, pelotes de réjection*, éventuellement fientes - Certains rapaces nocturnes peuvent aussi être vus ou entendus de jour selon les périodes de l’année - Par un protocole de nichoirs/baguage passant par la capture d’individus de jour. Ce type de méthode nécessite une autorisation spécifique de capture délivrée par le CRBPO du MNHN. Voir la page sur les techniques de suivi ![]() Pelote de réjection de Chouette hulotte. Photo R. Sordello Micromammifères- Par contacts spontanés auditifs ou visuels - Par piégeage, par exemple des pièges-trappes - Par relevé d'indices de présence, notamment les fécès caractéristiques chez certaines espèces (ex : Campagnol amphibie) - Par l’intermédiaire des pelotes de réjection d’oiseaux prédateurs (rapaces nocturnes notamment) qui permettront de savoir que telle espèce de rongeur est présente dans le secteur ![]() Crottes de Campagnol amphibie. Photo R. Sordello Mammifères moyens et grands- Par vision directe - Par contact auditif (reconnaissance des cris) : renard, lynx, loup, cervidés, … - Par photo/vidéo-piégeage. Voir la page sur les techniques de suivi - Par relevé d’indices tels que terriers, coulées ou également poils, fèces, empreintes à chercher au sol. Pour les empreintes, possibilités d’employer des pièges à traces (substrat particulier au sol augmentant la probabilité d’empreinte, supports collant pour accrocher plus facilement des poils, …). Autres indices possibles encore : troncs rongés (castor), nids (rongeurs), bois (cervidés), ... ![]() Troncs rongés indiquant la présence de Castor d'Europe. Photo R. Sordello Chiroptères*- Par détection des ultrasons grâce à du matériel spécialisé pour la « division de fréquence* », la « détection hétérodyne* » ou « l'expansion de temps* » - Par capture à l’aide de filets. Attention, toute capture de chiroptères nécessite une autorisation spécifique « espèce protégée » - Par recherche en gîtes d'hiver ou d'été (détection visuelle d'individus ou relevés d'indices de types guano, odeurs, ...) > Les grands types de techniques de suivis de la faune qui peuvent être mobilisés pour la faune nocturne
Parmi les grands types de techniques de suivis de la faune pouvant être appliqués à la biodiversité nocturne on peut lister les méthodes suivantes.
La méthode de Capture/Marquage/RecaptureElle consiste à capturer des individus, les marquer puis les relâcher. La recapture des individus marqués permet alors de quantifier la population étudiée ou d’acquérir des informations sur son fonctionnement (déplacements par exemple). Elle se pratique sur de nombreux groupes biologiques : oiseaux, reptiles, mammifères, certains insectes. Le marquage peut se faire par la pose d’un repère (par exemple une bague métallique pour les oiseaux), par annotation (peinture, trace en relief, …) ou par mutilation chez les invertébrés telle que la coupe d’une patte médiane par exemple (à éviter cependant au maximum). La méthode du marquage bague, utilisée chez les oiseaux, permet ainsi de suivre des espèces nocturnes (chouettes, hiboux) en les capturant de jour lorsque celles-ci sont dans leur nid. ![]() Chouette hulotte marquée d'une bague métallique Muséum dans le cadre d'un programme de suivi avec nichoirs. Photo R. Sordello Le suivi par technologie GPSElle nécessite de capturer les individus pour les équiper à l’aide de matériel de type enregistreur GPS ou balise ARGOS. Cette technique n’est pas applicable sur tous les groupes biologiques en raison du poids du matériel embarqué qui s’adresse principalement aux grandes espèces même si des progrès techniques ont été faits. Le GPS ou la balise ARGOS sont aussi à privilégier pour les espèces à grands territoires et/ou migratrices. Elle permet en effet de suivre les déplacements d’individus sur de longues distances (migrations, utilisation du domaine vital*, cycle journalier des activités, ...). L’avantage de cette technique est également qu’elle nécessite peu de main-d’œuvre car les données sont transmises/enregistrées toutes seules. Elle est donc aussi utile pour les espèces à faibles effectifs ou dont le milieu de vie est hostile au suivi par l’Homme (ex : animaux marins). Le suivi télémétrique (radiotracking)Comme le suivi GPS, cette technique nécessite de capturer les individus. Ceux-ci sont alors équipés de matériel émettant des ondes radio. Une fois relâchés, ces individus sont suivis par des humains possédant des récepteurs. Par triangulation* ou prise de coordonnées GPS, les positions des individus peuvent alors être connues régulièrement et reportées sur une carte. Cette technique est donc très gourmande en temps et en main-d’œuvre. Elle permet cependant d’acquérir de la donnée fine sur l’utilisation de l’espace et les cycles d’activité. Elle est très utilisée sur les chauves-souris par exemple. ![]() Equipement d'un émetteur radio sur une chauve-souris en vue de son suivi télémtrique. Photo R. Sordello Le suivi photographique/vidéoCette technique consiste à utiliser des appareils photo/vidéo, qui se déclenchent automatiquement lors du passage d’animaux devant l’objectif. Ces appareils peuvent être disposés à un endroit précis (par exemple sur un ouvrage de franchissement au dessus d’une infrastructure de transport pour vérifier son utilisation par la faune nocturne (ou diurne)). Ils peuvent aussi être disposés sur une vaste zone d’étude selon un plan d’échantillonnage (par exemple pour détecter la présence d’une espèce ou délimiter son territoire). Pour la prise de vue nocturne, il existe des modèles d’appareils équipés de technologie infrarouge afin de pouvoir se passer du flash qui potentiellement peut biaiser le suivi. Une fois les appareils posés, il suffit de télécharger régulièrement leurs captures. L’analyse des prises de vue nécessite en revanche du temps et ne peut être faite par un ordinateur (tri des photos, reconnaissance des espèces voire des individus, ...), ce qui est représente le point négatif de cette technique. Autre inconvénient, toute la faune ne peut être suivie par cette méthode, car les petites espèces ne sont pas détectées. Cette technique est donc surtout utilisée pour les mammifères moyens et grands. ![]() Piège photographique installé en forêt. Photo R. Sordello Relevé de cadavresLors de leurs déplacements, les animaux sont suscrptibles de rencontrer des barrières, telles que les infrastructures de transport. Parfois, cette barrière n'est pas totalement opaque et les animaux tentent alors de la franchir. Ils peuvent alors entrer en collision avec les véhicules. la présence de cadavres sur une infrastructure de transport peut alors révéler l'existence d'une continuité écologique encore présente mais devenue partiellement fonctionnelle. Cette technique permet ainsi d'identifier des "points de conflits" entre faune sauvage et réseau de transport, y compris pour la faune nocturne pour laquelle la détection d'animaux peut rester limitée vivants de nuit. ![]() Cadavre de Blaireau découvert de jour sur une route révélant une collision pendant la nuit. Photo R. Sordello Le suivi génétiqueCette technique nécessite de prélever de l’ADN. Celui-ci peut être prélevé directement sur les individus ou bien indirectement sur des poils, fèces, ... trouvés sur le terrain (généralement l’ADN y est en revanche de moins bonne qualité). Pour mesurer la fragmentation* par la lumière : L’outil moléculaire peut être utilisé pour comprendre comment s'organise spatialement une espèce sur une zone étudiée et notamment si certains éléments anthropiques viennent fragmenter ses populations. Il peut alors en théorie être utilisé pour vérifier si des coupures sont occasionnées par des infrastructures/zones éclairées sur un territoire. La difficulté reste cependant d’isoler le paramètre que l’on souhaite étudier - ici la lumière - car de multiples facteurs peuvent être responsables d’une structuration/fragmentation génétique. Autre bémol, cette méthode reste pour le moment « lourde » (terrain chronophage avec beaucoup d’échantillons à prélever) et relativement couteuse. Elle est néanmoins en plein développement actuellement. Pour inventorier des espèces dites « cryptiques* » : On peut aussi avoir recours à l’outil moléculaire pour inventorier la biodiversité sur une zone d’étude. Un échantillon du milieu est alors prélevé et analysé pour détecter des traces d’ADN qui révèlerait le passage de telle ou telle espèce. C’est la technique de l’ADN environnemental. Elle est actuellement en plein développement. Son potentiel est très important pour optimiser les coûts des campagnes de terrain et surtout pour détecter des espèces dites « cryptiques » c’est-à-dire difficile à contacter, parmi lesquelles les espèces nocturnes. On peut ainsi faire un prélèvement d’eau dans des mares pour identifier leur fréquentation par des amphibiens. > Mesurer la lumière artificielle nocturneFlux lumineuxLuminanceIntensité> Rencensement de points lumineux et cartographies de pollution lumineuse
Captures satellitairesCette méthode, basée sur la capture nocturne par des satellites, permet d'aboutir à des photographies à large échelle (pays, continent voire le monde entier). La NASA produit par exemple ce genre de photos. Prises de vues aériennesDans ces démarches, une zone d'étude donnée, par exemple une commune, est survolée par un avion spécialisé prenant des photos orthogonales pendant son vol nocturne. Le résultat se présente ainsi sous forme de photoaériennes nocturnes montrant les lumières des villes. Recensements de terrainCes démarches consistent à recenser les points lumineux sur une zone donnée. Certaines communes par exemple mettent désormais à disposition les données de localisation de leur support d'éclairage public. Parfois, les caractéristiques des points lumineux peuvent être associés à ces localisations. Cette méthode peut également mise en oeuvre pour des surfaces plus petites (échelle d'un projet). Cartographies élaboréesDans ces approches, des données brutes sont compilées pour produire des cartes grâce à un logiciel SIG. On peut par exemple souhaiter représenter une densité de points lumineux. Des algorithmes informatiques peuvent par exemple être codés pour estimer, à partir de données sources connexes à l'éclairage (relief, occupation du sol, densité d'habitants, ...) la pollution lumineuse et la cartographier. La restitution peut se faire par mailles ou sous la forme d'un dégradé. > Observer le ciel étoilé
![]() Planétarium du Palais de la Découverte. Photo R. Sordello |
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